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[Annonce] Les Nuits tombent parfois bien trop tôt.
Par Lanre, le 31/10/2013 à 22:21:53

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La vielle femme se retourna, au détour de la ruelle, comme pour s'assurer que personne ne la suivait. Personne, à première vue, mais le rayon de lune qui illuminait tout un pan de la maisonnée derrière laquelle elle envisageait de se cacher suffit à démasquer le petit coquin qui l'avait suivi. Un gamin, haut comme trois pommes et large comme s'il en avait avalé une quarantaine dans la minute qui s'était écoulée. « M'dame... » grommela-t-il, avant de relever ses petites mains boudinées vers son gros visage horrifié et son immense bouche grande ouverte.

« Allez, débarrasse le plancher ! » Lâcha-t-elle en guise de réponse, tandis qu'elle secouait sa main comme un vieux prunier, pour lui signifiait de s'éloigner. Pas un seul être, pas la moindre entité du ciel ou d'en-dessous, ne devait savoir ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Elle déposa alors son panier d'osier, non s'en s'être à nouveau assurée qu'elle était bien seule, et ouvrit la main qu'elle gardait fermée depuis des années. Les vers luisaient, d'un blanc visqueux, et commençaient déjà à mordre ses doigts bien maigres et osseux. « Tout doux, mes chéris, il est bientôt l'heure de diner... ~ » postillonna-elle, sans même chercher à retenir les glaviots qui fuyaient ses mâchoires édentées. « Ne sont-ils pas beau, mes bébés ? » susurra-t-elle, la voix presque chantante, alors que son dos craquait atrocement tandis qu'elle se baissaient vers la corbeille.

De sa main libre, elle releva le tissu blanc, et laissa voir les sublimes pommes qui s'entassaient majestueusement dans le cabas d'osier. « Mangez, mes tout beaux ! Mangez ! » Hurla-t-elle, à la limite de l'hystérie, tandis que les vers se ruaient sur les fruits, non sans laisser de larges trainées de sang et d'entrailles entre les doigts de la pauvre vieillarde. Certains avaient déjà commencé à s'entre-dévorer, sans même attendre le plat que leur avait concocté leur si aimable Grand-Ma, mais les perdants n'étaient pas les plus malchanceux. A peine les vers avaient-ils rejoints les pommes que l'abdomen des gloutons se fendaient et laissait sortir les victimes les unes après les autres. Le gourmand agonisait, avant d'être à son tour dévoré pour mieux renaitre.

Bientôt, certaines pommes accueillirent les vers, et la vieille femme se frotta vigoureusement les paluches, contenant difficilement un rire mesquin et éraillé. « Ca n'était que l'entrée... ~ » Glissa-t-elle enfin, avant de rabattre le tissu sur la corbeille, et de s'en aller. Les voyageurs étaient nombreux, ces temps-ci ; et ils avaient faim.

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